Décroissance, sobriété heureuse & simplicité volontaire

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On entend de plus en plus parler de « décroissance », un terme qui prend place dans le débat public. Vous l’avez peut-être également entendu sous le nom de sobriété heureuse ou simplicité volontaire. Certains l’évoquent dans le but de le discréditer. Il peut en effet être présenté comme un ralentissement économique qui va appauvrir les gens, ou comme un projet de retour en arrière voulu par des écolos rêveurs. Il n’empêche qu’il émerge comme un nouveau projet constructif dans les discours économiques et politiques. La décroissance est elle donc une autre manière de parler d’anticapitalisme ? Zoom sur cette notion de décroissance, les enjeux et les changements qu’elle comporte.

 

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Contents

La remise en question de la croissance infinie

Le mot « décroissance » est né en 1972 et englobe la politique, l’économie et le social. Il part du concept suivant : la croissance économique constitue davantage une source de nuisances que de bienfaits pour l’humanité. Car les dysfonctionnements de l’économie (chômage de masse, précarité…), l’aliénation au travail (stress, harcèlement moral, multiplication des accidents…) et la pollution sont créées par l’industrialisation. Le concept prône donc une éthique de la simplicité volontaire : revoir les indicateurs économiques de richesse (en premier lieu le PIB), repenser la place du travail dans la vie et celle de l’économie (de sorte à réduire les dépenses énergétiques, donc l’empreinte écologique).

 

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La croissance consiste d’abord à vouloir rétablir l’humain dans sa dignité.

 

 

Nicholas Georgescu-Roegen est un des premiers économistes alternatif à avoir évoqué la décroissance.  L’épuisement des ressources naturelles est à la base de cette pensée. Cela part donc d’un constat : les ressources de la terre sont en train de s’épuiser et peuvent donc arriver à terme. C’est une réflexion économique qui est liée à une réflexion étique qui interroge sur les limites du système économique que nous suivons aujourd’hui. Puisqu’il épuise les ressources à une vitesse importante, ne devons-nous pas changer ce système ? Et comment faire en sorte de préserver le bon fonctionnellement de notre planète, sans l’altérer ?

 

Les menaces sont proportionnelles à notre puissance. Pablo Servigne

 

La décroissance propose de nouvelles logiques économiques et industrielles en prenant en compte l’existence collective, et donc en mettant en place de nouvelles organisations de la production et des échanges.

 

La prise de conscience

Aujourd’hui, les politiques ne jurent que par la croissance, la relance de l’économie, le pouvoir d’achat… Mais ces notions induisent le principe d’indépendance ! Pour entamer un changement il faut s’informer et commencer à voir comment le système fonctionne. Prendre conscience de notre réalité économique, sociale et écologique. Des inégalités entre les pays du nord et les pays du sud. De la forte empreinte écologique des pays industrialisés.

 

Les sociétés les plus inégalitaires sont celles qui s’effondrent le plus.

 

Cela permet de comprendre l’évidence pointée du doigt par la décroissance. Sortir ainsi du dénie, du story telling (les histoires qu’on se raconte pour se rassurer) et engendrer le mouvement de transition : agir avant que ce soit trop tard. Car même si nous utilisons de nouvelles technologies, une « croissance verte » compatible avec la finitude des ressources est un mythe.

 

On ne peut pas éviter l’effondrement. Donc autant le vivre le mieux possible.

 

Dans une interview pour Médiapart, Agnes Sinaï indique que c’est maintenant qu’il faut mettre en place des projets émancipateurs et changer le métabolisme social. Il vaut mieux se rationner maintenant et anticiper, plutôt que de se retrouver coincé dans le futur. Choisir maintenant pour ne pas subir plus tard. Car si on attend trop, seul les plus riches pourront s’en sortir et il y n’y aura plus d’alternatives proposées aux plus modestes. C’est pour cela qu’il faut sensibiliser les populations et responsabiliser les individus. 

 

 

« Une question existentielle collective, un examen de conscience, où l’on a réévalué la nature de la vie moderne. Certains ont commencé à remettre en cause l’intérêt d’accumuler toujours plus de biens qui n’ajoutaient rien, ou si peu, à leur bonheur et à leur bien-être. Les familles ont commencé à comprendre qu’on les avait arnaquée avec tous ces produits: elles avaient été aspirées dans une dépendance avilissante, alimentée par les milliards de dollars de publicité des entreprises. » Jeremy Rifkin

 

Le concept de décroissance est un concept multiforme

Les concepts de la décroissance incluent une nouvelle organisation de nos modes de vie, dans une société plus juste et durable. Il peut être approché depuis de multiples entrées : écologie, démocratie, éthique. Agnes Sinaï  évoque une sorte de rationnement des énergies qu’il reste sur la planète possible, pour rétablir une « justice écologique ». Ainsi, les projets égalitaires sont au coeur de la décroissance.

 

D’après les scientifiques, nous sonne dans le 6ème évènement d’instinction d’espèce. On pourrait perdre jusqu’à 70% des formes de vie d’ici à la fin du siècle.

 

Agir ce serait donc réduire sa consommation et changer sa façon de la voir. Tous les aspects de nos vies sont concernés et liés : la finance, l’économie, le climat, la biodiversité, les chaines d’approvisionnement, les systèmes alimentaires,… C’est toute une dynamique de pensées, de concepts émancipateurs, créatifs, qui nous engage à s’auto-limiter aujourd’hui, pour que tout le monde puisse vivre dans la décence demain. Réduire les excès et l’individualisme dû au capitalisme. Les partisans de la décroissance prônent des vies sobres et la solidarité : moins consommer, donc arrêter de surconsommer.

 

Agnes Sinaï propose certaines mesures : rationnement de quotas individuels d’énergies, budget carbone personnalisé. Ne plus penser en matière de production et consommation mais en termes de « sécurité ». Elle rassure également sur le fait que le rationnement sera progressif et ne sera pas radical. Voici d’autres exemples de changements à opérer, qui proviennent de la Charte Internationale pour la Terre et l’Humanisme, écrite par Pierre Rabhi pour le mouvement Colibris.

 L’agroécologie, pour une agriculture biologique et éthique

Cette technique agricole est aussi une éthique de vie. Elle permet aux populations de regagner leur autonomie, leur sécurité et leur salubrité alimentaires, tout en régénérant et préservant leurs patrimoines nourriciers.

 Relocaliser l’économie pour lui redonner un sens

Sans se fermer aux échanges complémentaires, les territoires deviendraient alors des berceaux autonomes valorisant et soignant leurs ressources locales. Agriculture à taille humaine, artisanat, petits commerces, etc., devraient être réhabilités afin que le maximum de citoyens puissent redevenir acteurs de l’économie.

Le féminin au cœur du changement

La subordination du féminin à un monde masculin outrancier et violent demeure l’un des grands handicaps à l’évolution positive du genre humain. Les femmes sont plus enclines à protéger la vie qu’à la détruire. Il nous faut rendre hommage aux femmes, gardiennes de la vie, et écouter le féminin qui existe en chacun d’entre nous.

La sobriété heureuse contre le “toujours plus”

Face au « toujours plus » indéfini qui ruine la planète au profit d’une minorité, la sobriété est un choix conscient inspiré par la raison. Elle est un art et une éthique de vie, source de satisfaction et de bien-être profond. Elle représente un positionnement politique et un acte de résistance en faveur de la terre, du partage et de l’équité.

Une autre éducation pour apprendre en s’émerveillant

Nous souhaitons de toute notre raison et de tout notre cœur une éducation qui ne se fonde pas sur l’angoisse de l’échec mais sur l’enthousiasme d’apprendre. Qui abolisse le « chacun pour soi » pour exalter la puissance de la solidarité et de la complémentarité. Qui mette les talents de chacun au service de tous. Une éducation qui équilibre l’ouverture de l’esprit aux connaissances abstraites avec l’intelligence des mains et la créativité concrète. Qui relie l’enfant à la nature, à laquelle il doit et devra toujours sa survie, et qui l’éveille à la beauté, et à sa responsabilité à l’égard de la vie. Car tout cela est essentiel à l’élévation de sa conscience.

Incarner l’utopie

Face aux limites et aux impasses de notre modèle d’existence, elle est une pulsion de vie, capable de rendre possible ce que nous considérons comme impossible. C’est dans les utopies d’aujourd’hui que sont les solutions de demain. La première utopie est à incarner en nous-mêmes, car la mutation sociale ne se fera pas sans le changement des humains.

La terre et l’humanisme

Nous reconnaissons en la terre, bien commun de l’humanité, l’unique garante de notre vie et de notre survie. Nous nous engageons en conscience, sous l’inspiration d’un humanisme actif, à contribuer au respect de toute forme de vie et au bien-être et à l’accomplissement de tous les êtres humains. Enfin, nous considérons la beauté, la sobriété, l’équité, la gratitude, la compassion, la solidarité comme des valeurs indispensables à la construction d’un monde viable et vivable pour tous.

La logique du vivant comme base de raisonnement

Nous considérons que le modèle dominant actuel n’est pas aménageable et qu’un changement de paradigme est indispensable. Il est urgent de placer l’humain et la nature au cœur de nos préoccupations et de mettre tous nos moyens et compétences à leur service.

 

 

Une nouvelle ère.

De nombreuses expériences collectives témoignent d’ores et déjà de l’existence de résistances créatives et vivaces un peu partout dans le monde. Une nouvelle façon de consommer et de vivre est adoptée par de plus en plus de gens. Nous voyons naitre des restos antigaspillages, des garages collaboratifs, des boutiques sans argent… Des alternatives innovantes et solidaires émergent en réaction à la crise et à la société de surconsommation (voir cet article surLe non-marchand des possibles). Ces nouvelles initiatives sont saluées par Jeremy Rifkin, figure clé de la prospective mondiale, qui travaille sur l’impact des changements scientifiques et technologiques sur l’économie, le travail, la société et l’environnement. Il affirme que nous sommes à l’aube d’une troisième révolution industrielle. Il prône les communaux collaboratifs et met en avant cette jeunesse prête à passer à l’économie de partage qui est le futur selon lui.

 

« Tout se passe comme si l’espèce humaine avait choisi de mener une vie brève mais excitante laissant aux espèces moins ambicieuses une existance longue mais monotone. » Nicholas Georgescu-Roegen

 

Jeremy Rifkin parle du partage comme nouvelle valeur à mettre en avant. Des milliards de voitures sont auj sur les routes. Selon lui on peut facilement en éliminer 80% et fonctionner avec les 20% restants. En partageant. Selon lui, le futur c’est de cesser de posséder. Avec les sites de partages, les communaux collaboratifs par exemple. Il développe l’idée de partage, le prêt d’une personne à une autre, avec la conscience qu’il faut prendre soin des objets car d’autres gens peuvent les utiliser par la suite.

 

 

Une utopie ?

Partage, solidarité, collaborations… Est-ce vraiment réaliste ? Peut-on croire à cette utopie ? Une question peut répondre à cela : le productivisme capitaliste sans fin n’est pas lui aussi une forme d’utopie ? Est-il plus utopique d’imaginer cette sobriété et solidarité que d’imaginer de vivre en creusant cette dette ? La décroissance ce n’est pas de l’utopie, c’est un meilleur chemin ! Aujourd’hui l’utopie c’est de croire que la trajectoire de notre société peut continuer éternellement comme elle fonctionne aujourd’hui.

 

« Une civilisation écologique c’est une productivité maximum en utilisant le minimum de ressources terrestres. Le coût marginal zéro c’est donc optimiser l’efficacité et ainsi partager les objets avec d’autres personnes, dans une économie participative et en utilisant les communaux collaboratifs. Partager encore et encore et encore… » Jeremy Rifkin

 

Pour Benjamin Coriat également, l’idéologie propriétaire a atteint ses limites. Les nouveaux communs, loin des plateformes prédatrices à la Airbnb ou Uber, sont une forme de résistance face au néolibéralisme. La décroissance c’est donc cesser cette frénésie de consommation qui nous consommera à son tour. Consommer moins, plus intelligemment, en y réfléchissant à plusieurs fois avant d’acheter, pour explorer les autres alternatives possibles. Partager nos biens et s’en déposséder.  Remettre l’humain et des valeurs plus juste au centre de nos préoccupations. Nous faisons le futur, alors autant penser à demain, avant qu’il ne soit trop tard !

 

 

Sources : Pablo Servigne / scoop.it / gaia-images.com 

Images : Image 1 / Image 2 / Image 3 

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